Maurice est un gars normal. Il aime bien dessiner. Un crayon à la main, il dessine un lapin qui porte un veston et une grosse pendule. Maurice vit dans un pays merveilleux, bien qu'un peu dangereux. C'est un pays magique, dirigé par de petits êtres qu'on appelle les polichinelles. Les polichinelles ont une tête disproportionnée par apport à leurs petits corps. Du coup, ils sont maladroits et trébuchent souvent. Les polichinelles font les lois du pays merveilleux et veillent sur Maurice. Maurice, lui, aime bien sortir, mais pas trop loin, les polichinelles ont peur que Maurice ne se perde et ne retrouve pas le chemin de sa maison. Pour aller dehors, il ne doit pas oublier de mettre sa casquette pour se protéger des pluies de cailloux. Car oui, aussi merveilleux soit-il, le pays a une drôle de météo. Les polichinelles ne s'en préoccupent pas trop. Ils sont là pour le bien-être de Maurice, si la planète explose, est ce vraiment leurs fautes ? Ce n'est pas comme s'ils pouvaient y faire quelque chose. D'ailleurs, ils ne sont pas les seuls à veiller sur Maurice. Il y a ceux qu'on appelle les gros bleus. Des géants difformes avec de grands bras. Ils sillonnent les routes et les rues pour assurer la sécurité de Maurice. Ils vérifient qu'il porte bien sa casquette. Si Maurice oublie de la porter, ils lui demandent de l'argent pour plus qu'il ne l'oublie. Après, ils donneront l'argent aux polichinelles, car ces derniers adorent l'argent. C'est leurs récompenses, pour avoir bien veillé sur Maurice. Comme Maurice n'a pas beaucoup d'argent, il fait attention à toujours bien porter sa casquette.
Maurice arpente les rues de son pays, il aime bien marcher, prendre l'air. Il passe devant les restaurants. On peut y prendre une table et s'y asseoir. Rester un moment à regarder ses voisins ou discuter avec des amis si on y vient à plusieurs. Par contre, les restaurants ne servent pas à manger. Maurice préfère aller au cinéma, prendre un billet et s'installer dans la grande salle noire où l'on ne projette pas de film. Il doit bien garder sa casquette quand même, car ici, même assis, les rochers peuvent percer le plafond et tomber sur Maurice. En rentrant, Maurice passe devant les magasins qui vendent des produits essentiels. Des groseilles et des poires de lavement. Comme il est déjà l'heure de rentrer, Maurice se hâte. Il ne doit pas sortir plus d'une heure, les polichinelles ne voudraient pas que sa promenade ne l'épuise complètement.
Une fois chez lui, Maurice allume sa précieuse boite à image. Rectangle hypnotique, où d'autres petits être qu'on appelle les informateurs, le tiennent au courant, des nouvelles règles décidées par les polichinelles. Les informateurs sont blancs, sales et très ternes. Quand ils parlent, on a l'impression qu'un nuage noir sort de leurs bouches. Ce soir, ils informent que le polichinelle en chef a pris une nouvelle décision sans demander l'avis des autres polichinelles. Il a le droit, en temps que polichinelle en chef, il sait mieux que tous les autres ce qui est bon pour Maurice. A partir de demain, Maurice devra peindre les barreaux de ses fenêtres en rouge. Selon les cerveaux, le rouge repousse les pluies de rocher, ainsi cela réduit les risques que l'un d'eux casse une vitre et ne frappe Maurice. Par sécurité, Maurice devra quand même garder sa casquette pour dormir.
Les cerveaux sont des êtres supers intelligents. Tout comme les polichinelles, ils ont une grosse tête et un petit corps. Mais la leur et tellement énorme, qu'ils n'arrivent pas à se déplacer. Les cerveaux étudient tous ce qui se passent et le répètent aux polichinelles pour qu'ils prennent les bonnes décisions. Parfois certains cerveaux disent des choses qui n'arrangent pas les polichinelles, alors ces derniers n'en tiennent pas compte.
Maurice peut aussi sortir pour aller travailler. Comme c'est pour gagner de l'argent, les polichinelles acceptent que Maurice sortent plus d'une heure et aille plus loin. Il peut prendre les transports en commun, mais ne doit pas parler aux autres personnes. Car les échanges sociaux attirent les pluies de rocher. Il peut aussi aller au centre de vérification. Sur place, il devra baisser son pantalon et écarter les fesses, pour que l'on vérifie qu'il n'a pas été frappé par un rocher. Si c'est le cas, on lui dira d'aller se coucher dans une chambre sans lit et de se réveiller dans sept jours. S'il se réveille, il pourra reprendre sa vie normalement, sinon, il restera dans la chambre à jamais.
Parfois, Maurice se pose des questions. Sur la vie, sur les pluies de rocher, sur les polichinelles, les informateurs, les cerveaux. Et puis depuis sa fenêtre, derrière ses barreaux rouges, il voit un gros bleu. Il entend une voix crachant un nuage noir sortir de sa boite à image. Alors il se dit qu'il ne doit pas douter. Ils sont tous là pour veiller sur lui, il n'a pas à s'inquiéter.
Maurice dessine un lapin, avec un veston et une grosse pendule. Le lapin regarde la pendule, puis décide de la jeter, jetant en même temps, la pression et l'angoisse. Le lapin lève la tête au ciel en souriant. Chez lui, il n'y a pas de pluie de rocher. Il prend une grande inspiration, ferme les yeux et enfin se réveille.
FIN.
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